A rebours de la modernité ? Soumission de Michel Houellebecq

Roman d'anticipation proche (François Hollande est toujours Président de la République en 2021) "Soumission" raconte , à travers les yeux de François, universitaire spécialiste de l'écrivain fin de siècle J.-K. Huysmans, le changement radical qui intervient en France au lendemain des élections présidentielles : l'arrivée au pouvoir du candidat du parti de la fraternité musulmane.

Très vite, l'ambiance de violence urbaine qui avait entaché la semaine d'entre les deux tours ,s'apaise et, progressivement, sans heurt, le nouveau gouvernement en place instaure une société où , entre autres signes marquants, les femmes n'ont plus droit d'enseigner à la Sorbonne (privatisée par les pétromonarchies du Golfe), tandis que les collègues masculins de François, conserveront leur poste si ils sont, ou se convertissent à l'Islam ." En prime" , si l'on peut dire, ils pourront -en tant que "mâles dominants"- obtenir plusieurs épouses.

Courtisé par les autorités universitaires désireuses de le voir intégrer la Sorbonne, François acceptera-t-il de se convertir à cette autre religion du Livre, comme le fit son auteur favori, il y a plus d'un siècle , au catholicisme alors religion dominante en France ?

Fûté ,Michel Houellebecq laisse ouverte la fin de ce récit (ou de cette dystopie , allez savoir ?) en se souvenant de ...Georges Perec et de son emploi du conditionnel dans "les choses" . Son humour ( à charge) .est évident aussi avec sa critique de notre société qui se fait à tout "...en fin de compte".

Toutefois, ce qui peut surprendre comme parti pris du narrateur , pourtant lettré, c'est l'oubli, l'effacement de toute référence à cet élan progressif de la littérature moderne,initié à la fin du XIXe siècle par Rimbaud, Mallarmé ou Zola en tant que figure de l'intellectuel engagé. Réduit à Huysmans, ou Léon Bloy, au Péguy revenu du combat dreyffusard , le champs culturel de cet anti-héros oriente sans aucun doute la visée ( pessimiste ?) de son créateur et donne au lecteur l'impression que cette fiction -au delà des polémiques qu'elle a suscité en janvier 2015- serait la preuve à un peu plus d'un siècle d'intervalle, d'un échec de la République des Lettres , ou de la République tout court!