12 Décembre 2015
Exposer 50 ans de création, c’est, pour ROBERT MORVAN, exposer 50 ans de passion qui se confondent avec une vie d’homme bien remplie. A l’image de ses déplacements nécessaires entre Paimpont (où il réside) et la médiathèque de Plélan pour l’installation de cette belle rétrospective, l’artiste a dû effectuer d’autres allers-retours dans l’espace-temps (celui de son histoire) pour choisir les travaux significatifs de son parcours de peintre. Entreprise cornélienne, quoi que.
Il y a des années blanches assumées, des silences (pour mieux dire) dans sa production qui reflète une exigence personnelle. Ce qui importe aux yeux de Morvan, c’est éviter le piège de la répétition, du geste mécanique qui interdit toute fraîcheur ; ainsi dans ses notes d’atelier enfin rassemblées ici (et qui ferait un superbe livre d’artiste), nous lisons : « Il faut se méfier de la facilité. Quand cela va trop bien, il faut savoir s’arrêter, faire des pauses (…) ».
Et puis de 1965 à 2015, dans le filtre de la mémoire, seuls comptent certains éloignements, certaines rencontres. Ce fut le cas de la Tunisie des années 70 qui tonifie le créateur, l’enchante et l’inspire. Lumière, couleurs, calligraphie, architecture ou le souvenir d’une grande exposition d’art abstrait à Tunis vont marquer, orienter durablement Robert Morvan. Librement, il se servira du noir, du gris comme de plus chatoyants pigments, il pourra saluer fraternellement Manessier, Nicolas de Staël ou Pierre Soulages. Ses pinceaux circuleront sans accroc des petites fermes bretonnes de l’enfance à la splendeur des médinas du Maghreb. Dans ces coups de coeur sans frontières, il ressemble à Xavier GRALL, cet autre finistérien, marqué à jamais par l’Algérie (et ses drames hélas) et qui avançait, farouche, dans une marche rimbaldienne au soleil sous les cieux pluvieux de Nizon.
Mais n’allons pas croire que Robert Morvan ne « fonctionne » qu’à l’inspiration majuscule, à l’éblouissement miraculeux. Ses outils en main, il est pareil à un artisan. Réminiscence sans doute de ses années d’apprentissage aux Beaux-Arts de Quimper. Il sait que le travail régulier, quotidien est indispensable. « Cent fois sur le motif, remettez votre ouvrage… », leçon classique, basique, qui demeure salutaire ! Il croit davantage au travail qu’au talent, en écho avec cet inlassable, besogneux ciseleur de mots et de chansons que fut Georges BRASSENS (son idole). Le crayon (et la gomme ?) du peintre vaut bien la plume et les gammes du chanteur : l’esquisse-brouillon précède le chef-d’œuvre.
Cette constance dans l’effort, rejoint (épouse ?) le chemin qu’il s’est tracé; quel que soit le médium, les supports utilisés (toiles, bois, planche composite d’ouvriers du bâtiment !), les « courants d’art « (abstrait, figuratif), Robert Morvan est avant tout en quête de traces, d’empreintes qui constituent la trame de son questionnement plastique. Il revendique cet état d’intranquillité stimulante : » Je suis comme un funambule sur la corde, partagé entre le signe, l’écriture, la peinture, voire le volume (…) » indique-t-il dans une de ses notes.
Voilà sans doute ce qui paraîtra évident au regard du visiteur : cette cohérence du parcours de Robert Morvan. Il la suivra de l’œil comme un fil tendu au milieu des travaux. A bien y réfléchir, on aurait pu nommer cette exposition en volant le titre d’un poème d’Yves Elleöuet, (célébré jadis par Grall) et qui s’intitule « Permanence du signe ». Venant d’un poète et peintre , ces mots conviendraient à plus d’un …titre à Robert Morvan.