9 Décembre 2017
Artiste établi à Mauron, Jérôme Briand n'est pas un parfait inconnu pour les plélanais, du moins pour les habitués de la médiathèque municipale Julien Gracq. En effet, en février 2013, il avait exposé une première fois un ensemble comprenant des portraits (Van Gogh, Picasso, Zola , ou l'iconique Marilyn Monroe) et des peintures dédiées à la danse, ou plutôt aux mouvements gracieux des danseuses, qu'il dénomma chorédrames.
"L'artiste actif" , comme il se définissait lui-même à cette époque, avait vivement impressionné l'équipe de la médiathèque, notamment avec ces portraits puissants, aux regards magnétiques comme un poème surréaliste, ou farouches comme ces héros ténébreux (Robur, capitaine Nemo et Hatteras) appartenant au monde romanesque de Jules Verne.
Aussi est-ce naturellement vers Jérôme Briand que l'équipe se tourna lorsqu'en prévision de la dixième année de la disparition de Julien GRACQ (le 22 décembre 2007), la commune a souhaité rappeler l'attachement discret mais sincère qui liait Plélan-le-Grand à ce grand nom de la littérature contemporaine.
Confortée dans ce choix par les dernières expositions de Jérôme Briand (dont la plus récente avec le collectif ARTBRO à la bibliothèque de Paimpont), l'équipe lui passa commande en quelque sorte de un à deux portraits de l'auteur du Rivage des Syrtes et d'André Breton,, tête de file du mouvement surréaliste, envers lequel Julien Gracq vouait une profonde admiration.
Le peintre remplit son contrat bien au-delà des attentes des commanditaires.
Ce fut, ô surprise, non pas trois mais une vingtaine de toiles inédites que Jérôme Briand apporta, au bout de deux mois, à la médiathèque de Plélan.
Parti au départ de reproductions photographiques de Julien Gracq et de Breton, Jérôme Briand, emporté dans son élan a décliné sur des surfaces plus vastes , le profil fascinant de Breton, se libérant comme Picasso du carcan du réalisme. Médusés ou colorés à la manière es fresque martiales, murales d'un Diégo Rivéra, sous le pinceau du peintre, les traits de Breton et de Gracq, bougent, se défont, se mêlent à des visions qui entraînent le regardeur dans des univers à la Miro Picasso, Magritte ou Chirico.
Si on imagine un Breton conquis par ces métamorphoses picturales, on sait que Louis Poirier (le vrai nom de Julien Gracq) goutait peu cet art de la représentation, lui préférant celui de la musique, l'opéra wagnérien en particulier.
Curieux paradoxe que la médiathèque assume pleinement, et qui pousse la provocation en laissant jérôme Briand (par un hasard objectif cher à Breton) accrocher côte à côte le visage d'un jeune Gracq (celui qui refuse crânement le Prix Goncourt 1951) à quelque centimètres d'une photographe anonyme de New-York, Vivian Maier, dont les extraordinaires clichés seront révélés au grand public seulement après sa mort.Rien qu'avec ce couple de tableaux, on pourrait gloser abondamment sur ce que vaut la célébrité ou l'oubli dans un monde qui préfère le flash instantané à l'or...du temps!
Mais cessons de dérouler notre propre interprétation. Cela risquerait de gêner la spontanéité des nouveaux visiteurs, libres de voir ou de ne pas voir ce qui se joue entre toutes ces pièces réunies, qui se frôlent, se dévisagent, se jaugent, en silence.
Osons un dernier mot, un conseil. Revenez à la tombée du jour dans cette salle d'exposition.. En décembre, votre patience ne sera pas trop mise à mal. Lâchez prise à votre imaginaire, laissez les reflets s'éveiller le long des vitres, des baies de la médiathèque. Les portraits (même ceux dissimulés le jour) vont vous ouvrir la voie, l'intérieur et l'extérieur vont se confondre,leur souffle s'unir dans le champ ouvert de la nuit. Et Julien Gracq, cette fois, ne désapprouverait pas le choix de ce médium, lui qui avait pointé de sa plume alerte, rigoureuse, une littérature qui, décidément, respirait mal.
Jérôme Briand n'a aucun soucis à se faire, il est un bon compagnon pour ce promeneur éveillé.