31 Mars 2020
Etrangement moins cité dans les médias avides de références (ou de caution ?) littéraire à l'instar d'un Sylvain Tesson "l'ermite de Sibérie" , Jean-Paul Kauffmann (né en 1944) avait pourtant connu une triste célébrité en faisant partie des "fameux" otages du Liban durant la guerre civile qui ravagea ce pays dans les années 80. Avec un tel C.V. l'homme aurait pu devenir le grand témoin, le consultant obligé des plateaux télévisés. Mais dès sa libération, cet ancien journaliste, amateur de cigares et de bons crus, a préféré repartir dans l'ombre grise de l'anonymat, loin de la scène parisienne pour voyager, et surtout commencer une oeuvre d'écrivain rare, exigeante située aux antipodes de la surexposition de son histoire personnelle.
Privé presque durant 3 ans de liberté , ce n'est pas sans par hasard si son premier récit de voyage "l'Arche des Kerguelen" (1992) échappe à toute référence au Liban et aux terribles épreuves subies en tant qu'otage. Toutefois, tout le long des récits nourris par ces pérégrinations :"La chambre noire de Longwood", l'île de Sainte-Hélène et son illustre prisonnier, la maison du retour " une résidence familiale perdue au milieu les pins," Courlande "une terre enclavée, de châteaux abandonnés par leurs anciens propriétaires ou "Outre-Terre " la visite d'un champs de bataille -Eylau- et l'évocation d' un mort-vivant, le colonel Chabert imaginé par Balzac, , nous découvrons que chacun des ces ouvrages porte en lui une parcelle auto-biographique de l'auteur. C'est comme si cette fragmentation d'un passé douloureux dispersée dans ces livres était ainsi une façon plus supportable de vivre pour J.-P. Kauffmann cette histoire mise ainsi en morceaux. Même des titres comme "la lutte avec L'Ange" ou" Remonter la Marne" sont une façon de fuir en enquêtant sur un tableau de Delacroix , en marchant le long d'une rivière pour découvrir le mystère des origines (d'un pays, de ses identités multiples ) et gagner, qui sait, un paradis (qui sera à nouveau perdu pour un simple fruit cueilli sans permission).
Cette oeuvre riche, discrète d'un homme en quête de sens (parce qu'un temps privé de liberté ?) nous invitons chaleureusement nos lecteurs et lectrices de ces temps d'immobilité contrainte, à aller venir la découvrir ou à redécouvrir dans les bibliothèques de réseaux , Paimpont, Plélan, Treffendel, et Saint-Thurial.