8 Avril 2020
Apparu aux Etats Unis avant même la fin de la conquête de l'Ouest, la littérature western a connu une abondante production, d'inégale valeurs certes, tout comme le roman policier qui, peu ou prou ,lui a succédé. D'ailleurs tels des cavaliers du Pony Express, changeant rapidement de montures, bon nombre d'écrivains américains sont passés d'un genre à l'autre pour finalement mettre leur talent d'auteurs au service d' Hollywood, en tant que scénaristes. Les cinéphiles oublient souvent qu'à la base, de bons westerns (de Ford à Eastwood) avaient comme origine d'excellents romans : de La chevauchée fantastique adapté d'un roman d'Ernest HAYCOX à Josey Wales , hors la loi du titre éponyme du à Forrest CARTER, un triste sire, soit dit en passant.
Moins nombreux , des écrivains européens, de la fin du XIXeme siècle,( avec l' Allemand Karl Mey, créateur de la série Winnetou), au XXeme avec des Français (Pierre Pelot et son anti-héros Dylan Starck, Céline Minard pour "faillir être flingué")(1) se sont lancés un temps dans ce qui fut ou reste considéré comme de la para littérature.
Pourtant, lire ou relire ces romans offre bien des plaisirs, multiplie de pistes d'évasions bien nécessaires aujourd'hui, et, sans les réduire à de simples histoires d'aventures, viriles, manichéennes, ils recèlent des qualités d'écriture, d'inventivité, de complexité psychologiques parfois, qui dépassent largement le cadre , les "frontières" du genre.
S'ils mettent en scène la violence de l'époque, ils la dénoncent comme un aveuglement ou une terrible fatalité (le tireur de Glandon Swarthout). L'absence de justice, la folie collective saisissant hommes et femmes ( le lynchage) est dénoncé dans L'étrange incident de Walter Van Tilburg Clark. Le rejet de l'Autre , l'indien, est manifeste dans ce roman La dernière frontière d'Howard Fast décrivant le calvaire des cheyennes fuyant leur lieux d'assignation pour gagner la terre d'origine. Plus inattendu quant aux" affaires indiennes" d'autres auteurs évitent d'essentialiser l'Indien: il ne doit pas être vu uniquement comme... le bon sauvage, la victime, ou le fourbe, le cruel. Dans Contrée indienne (pensons à une des nouvelles du recueil : un homme nommé cheval) Dorothy Johnson pose un regard lucide, culturel ,social, anthropologique sur l'homme , "rouge" ou"blanc". Dépeint comme un monde masculin, l'univers du western serait terne, plat et lacunaire s'il n'étudiait pas les sentiments, les relations qui se tissent, se dénouent entre les hommes et des femmes qui ont du caractère à revendre comme dans les clairons dans l'après-midi ou le passage du canyon d'Ernest Haycox . Enfin, ils permettent aussi de visiter autrement l'histoire d'une jeune nation, l'Amérique, en montrant l'éclatement des familles des pionniers dans un environnement trop hostile pour certaines épouses (Homesman de G. Swarthout) ou la figure sous estimée du mineur (du prolétaire ?) dans l'homme au colts d'or de Hoakley Hall , au lieu de la sacro-sainte rivalité éleveurs-agriculteurs.
Tout cela est vrai, mais avouons le , qu'est ce nous apprécions réellement dans cette littérature ? C'est le plaisir qui nous saisit quand nous accompagnons tout le long d'un périple entre Texas et Montana, les héros de Lonesome Dove, " Gus "et Call , les vieux frères d'arme inventés par Larry McMurtry. Nous ne perdons pas une miette de la description lyrique, incarnée, "animée", des différents paysages que traversent ces hommes sensibles eux aussi à la beauté et aux dangers du monde qui les entourent. Nous envions cette liberté d'aller à leur guise, le mouvement qu'ils impriment à leur chevaux, du trot contemplatif au grand galop synonyme de risque ...qui n'est, somme toute, que le risque de vivre.
(1) sans parler des romans western pour ados. dont un titre a été présenté ici le 24 mars dernier.