24 Avril 2013
Deux artistes qui se définissent comme libres, nomades, et amoureux de la nature, réunissent leur art et leur sensibilité pour proposer une exposition commune, « Natural spirit », fruit d’un compagnonnage et d’échanges amicaux d’une vingtaine d’année.
A l’origine du projet se trouve un tableau peint par Olivier Grolleau, « l’arbre à palabres ». De tradition africaine, déracinée et implantée dans les Antilles, cette scène des origines montre d’emblée la relation forte qui unit l’homme à l’arbre, un arbre avec majuscule comme celui de la vie , ou de la connaissance. L’humain assis à l’ombre bienveillante de l’arbre, parle, s’agite, refait le monde et ses mots s’élèvent, pris dans le feuillage vert et silencieux. La silhouette d’une fillette, presqu’un personnage (que le peintre a nommé Kitty) semble ne pas perdre une miette de la conversation des adultes.
MAIS ces mots qui peuvent être poésie, peuvent se transformer hélas en maux et dissimuler l’impuissance ou l’aveuglement de l’espèce humaine incapable de protéger la nature. Ingratitude quand le peintre évoque la pratique de l’ensevelissement clandestin des anciens esclaves sous le mapou consolateur, remplaçant la croix des tombes des maîtres ou des exploiteurs. A présent, c’est l’arbre qui est exploité, abîmé par toute l’humanité sans vergogne ! A un point tel qu’Olivier Grolleau imagine que seuls pourront pousser sur une Terre épuisée, brûlée, des arbres de fer, squelettes argentés claquant au vent comme une terrible prophétie lancée face à un soleil orangé , celui du COUCHANT.
Vous chercherez en vain dans ces dernières œuvres la silhouette gracile de Kitty ; elle aura fui ces lieux par trop inhospitaliers mais pour aller où ?
C’est un message complémentaire à cette mise en garde violente, que nous propose le sculpteur Jean-Michel DARRAS. Ces pièces en métal, en bois, présentes sont peut-être la bonne réponse à l’aveuglement carnassier des hommes . L’artiste veut montrer la beauté de la nature, lui rendre hommage pour sa fragilité, qui est la vie même. L’arbre nourricier, orange, cerise, est vraiment nourricier. L’arbre d’or (clin d’œil à Trehorenteuc) est vraiment d’or. Toucher (avec précaution) « l’esquisse féérique », la faire frissonner, c’est aussi comprendre que nous sommes des espèces de plantes (« la plante humaine » disait Julien Gracq) avec nos vaisseaux sanguins, nos ramifications nerveuses. Et le souffle de la respiration qui bruit en nous émet la même musique que les feuilles des hêtres, ou de ces ENTS, ces personnages-arbres de Tolkien cher au coeur du sculpteur.
C'es finalement un message d'espoir qu'il entend délivrer en nous donnant à voir des oeuvres aux noms évocateurs: Espérance, Flamboyant, arbre rouge... Et ses marguerites, mutines, apportent aussi une note légère, ensoleillée pour peu qu'on aime, un peu, beaucoup , passionnément la nature!
crédit photo Jackie Berteaud-Mahé. avec Olivier Grolleau (à gauche) et Jean-Michel Darras (à droite)